Des chercheurs du Laboratoire de Bio-ingéniérie de Harvard ont conçu une raie-manta artificielle qui fonctionne grâce à des muscles inspirés du rat.
Biomimétisme et milieux hostiles
S’inspirer de l’ingéniosité de la nature, tel est le crédo des chercheurs en biomimétisme du département de bio-ingéniérie de l’Ecole d’Ingéniérie et des Sciences Appliquées (SEAS) de l’Université d’Harvard. Cette nouvelle approche se répand de manière extrêmement rapide dans le champ académique qui y voit un renouveau pour la recherche, qui peut y puiser son inspiration, mais aussi pour la société, qui peut y trouver de nouveaux modèles de développement et de vie, plus efficaces, durables et responsables. Une approche si populaire que Harvard a même créé un institut spécialement consacré à la recherche biomimétique dès 2005. En France, le Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis n’a été fondé qu’en 2013, bien que de nombreux chercheurs s’y consacraient déjà au CNRS par exemple.
Nombre de chercheurs s’inspirent du règne animal pour trouver des solutions de locomotion pour leurs créations. Un kangourou métallique pour FESTO, un drone qui s’agrippe aux parois pour Stanford, une chauve-souris artificielle pour l’Université de l’Illinois, et ainsi de suite. Souvent il s’agit de trouver un moyen de se déplacer efficacement dans un milieu hostile. Pour cela rien de tel que de s’inspirer des animaux qui survivent dans ces lieux extrêmes.
A l’instar de l’espace, les fonds marins sont encore largement inexplorés, justement pour les conditions extrêmes qui y règnent. La pression et la masse d’eau empêchent la bonne tenue d’opérations d’exploration longues et délicates. La robustesse du matériel, la qualité des télé-communications et l’alimentation énergétique du module sont autant de défis à relever pour les scientifiques.
Une raie-manta hybride
Pour concevoir un nouveau système particulièrement adapté aux milieux marins, les chercheurs du laboratoire de bio-ingéniérie de Harvard se sont donc inspirés d’un animal réputé pour l’originalité de mode de locomotion : la raie. Ils ne sont pas les seuls à avoir eu cette brillante idée puisque en 2013, le département de mécatroniques du MIT testait déjà un prototype de robot.
“Ce que nous faisons, c’est d’utiliser les outils de la robotique pour comprendre le cœur” a indiqué Kit Parker. Car pour concevoir ce petit être artificiel, ce physiologiste cardiaque s’est inspiré du fonctionnement musculaire du rat. Il espère d’ailleurs à terme réutiliser les techniques développées pour ce modèle et les appliquer sur des cœurs artificiels humains.
Pourquoi la raie-manta pour un projet qui semble à priori si éloigné ? L’originalité de la raie réside dans son mode de déplacement. Elle utilise son propre corps pour créer ces drôles de vagues qui génèrent du mouvement. Aussi, les scientifiques se sont attelés à reproduire cette dynamique sur un corps artificiel. Cette motion qui permet à la raie de se déplacer est appelée “leading-edge vortex” (tourbillon). Le même qui permet aux oiseaux de se propulser dans les airs.
Kit Parker a eu une illumination lors d’une visite de l’aquarium de Nouvelle Angleterre, lorsque sa fille a voulu attraper une petit raie à travers la vitre avant qu’elle ne prenne la fuite en faisant des petites vagues avec son corps. C’est alors qu’il a consulté un post-doctorant de son groupe de biophysique, Sung-Jin Park et qu’il lui a soumis son projet : “nous allons fabriquer une raie. Nous allons le faire à partir d’un rat et elle sera guidée par la lumière“. Après plus d’un an de pourparlers, il est finalement parvenu à convaincre son collègue qui ne cachait pas ses doutes quand au succès d’un tel projet. Et pour lui donner vie, il a fallu s’inspirer de plusieurs éléments naturels : “une pincée de rat, une pincée d’implant mammaire et une petite pincée d’or” explique Parker à Popular Science.
Ainsi, le corps de la raie est composé d’une couche de polymère transparent (à partir de l’implant mammaire) et de cellules de rats génétiquement modifiées pour réagir à la lumière bleue dispersées sur les nageoires de “l’animal”. Sa structure a ensuite été fabriquée en or pour s’assurer qu’elle revienne à son état initial après chaque battement.
A l’arrivée on obtient un minuscule robot de 16 mm de long pour à peine 10 grammes. Pour déclencher la locomotion de cet hybride, les chercheurs l’ont placé dans une solution saline composée de sucre pour nourrir les cellules de rat, stimulées ensuite par des flashs de lumière bleue. En adaptant les schémas d’éclairage, il est possible de diriger le robot. C’est là que se joue toute l’inventivité de ce travail : les cellules de rats servent à la fois de capteur (de lumière bleue) et d’actionner (des mouvements). D’où l’intérêt d’adopter une approche trans-disciplinaire qui offrent plusieurs points de vue et donc autant de possibilités supplémentaires pour trouver une solution à un problème : “le physiologiste cardiaque voit les implications sur le fonctionnement du cœur, le biologiste marin voit le principe de locomotion de la raie et les roboticiens voient une façon d’utiliser des cellules pour mouvoir un corps artificiel“, conclut Kit Parker.
Adaptation de l’article publié sur Popular Science.
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